N’y a-t-il pas du piquant à se damner pour le moins dodu des doudous, à l’ère des jouets électroniques les plus sophistiqués ? La revanche du simple.
J’en suis là de ma méditation quand le Petit surgit de sa chambre, me découvre allongée sur mon canapé. Nous sommes dans un temps où un adulte couché ne peut être que malade ou malheureux : «Je vais te chercher ton doudou ! » Il m’apporte ma peluche des sixties, le nounours assez galeux que je lui avais donné en grande cérémonie.
Puis il retourne aux affaires de ce monde : un incendie à éteindre sur la table de la salle à manger. Il y a des gens qui travaillent
Le mot « nounours » naît en 1935 : il était plus vieux que moi quand je l’employais, « doudou » ne désignant encore que la chérie antillaise. Le « Doudou » d’aujourd’hui date des années 80, comme sa copine régressive la « doudoune ». Il désigne l’objet fétiche, « objet transitionnel » dont les enfants occidentaux ne se séparent pas, pour lequel on voit des parents courir affolés à travers nuit et ville s’il a été oublié ou perdu. A l’école maternelle une corbeille héberge ces doudous multiformes, peluches, marionnettes, rubans de tétines, couvertures élimées, tissus méconnaissables, et même une housse de téléphone reconvertie en sucette.
L’intérêt d’avoir un Petit dans sa vie, c’est qu’il vous rappelle des mots qu’on a a oubliés. Ainsi « nounours » a réapparu : l’occasion de me référer à ce gigantesque plantigrade s’était raréfiée. Seulement le Petit ne parle pas de « nounours » : il parle, et on lui parle, de son « doudou ».